Vous avez toujours adoré Noël, cependant, maintenant que
vous êtes passée de l’autre côté du miroir (c’est-à-dire que vous ne pouvez
plus simplement vous asseoir à table et espérer que la dinde rôtie vous soit
servie sans qu’au préalable vous ne l’ayez achetée, farcie et cuite au four
vous-même), c’est moins sûr.
Il y a bien ces moments magiques où Grand Bébé s’exclame
« ô cé trop mignon » en découvrant les petits nounours enrubannés de rouge que
vous avez disposés ça et là, ou encore, Petite Bébée qui se pâme d’admiration
devant le sapin que ses parents exemplaires ont décoré à leur attention en
cachette (pour le plaisir de leur faire la surprise, ce qui a par ailleurs le
suprême avantage de les préserver des quelques noms d’oiseaux qui ont escorté
les « dling dling » des boules qui tombent par terre).
Mais il y a également le déballage des cadeaux, ce qui
peut être parfois des moments un peu moins magiques. Vous avez Grand Bébé qui
se précipite sur ce qui lui semble être le plus gros cadeau sous le sapin en
clamant « cé à moi, cé à moi ». Par chance, merci Grand-papa/Grand-maman Père
Noël, ce cadeau est bien pour lui (mais n’est pas le plus gros, ah ah, il a
zappé sur la maison de poupée de sa sœur aussi offerte par
Grand-papa/Grand-maman le Père Noël. De toute façon, le plus gros ne signifie
pas forcément le meilleur. Vous vous rappelez par exemple de l’expérience
cuisante que vous fîtes à vos sept/huit ans. Vous aviez laborieusement combattu
vos frères pour avoir la plus grosse sole proposée au repas. Et vous l’avez
eue. Elle goûtait la vase, chose que vos aînés ont encore de l’agrément à vous
rappeler trente ans plus tard).
Le cadeau tant convoité par Grand Bébé se trouve être la
panoplie de Superman. Dès que l’objet est identifié par la chair de votre chair
concernée, le compte à rebours commence. Il faut enlever (lire : arracher) le
papier, ouvrir (casser) la boîte et chercher (se ruer sur) des ciseaux dans une
urgence que même le SAMU ne connaît pas.
Vous bénissez le ciel (et le Père Noël) qu’il n’y ait
pas sous l’arbre, cette fois-ci, un cadeau dont le déballage implique
l’utilisation d’un tournevis. La première fois que Grand Bébé en a reçu un* en
l’absence de Monsieur Papa, vous avez dû fouiller la boîte à outils pour
trouver le tournevis cruciforme de la bonne taille et vous escrimer à extirper
ces maudites vis. Il faut bien être mère pour en arriver à de telles extrémités
car il est sûr que cette compétence de dévisseuse, vous allez prestement
l’oublier : vous habitez dans une vieille maison en rénovation et craignez donc
que cela ne crée un désagréable précédent.
Heureusement le Père Noël, cette année, s’est contenté
de concentrer son sadisme dans l’achat d’une Barbie avec de minuscules
chaussures qui s’enlèvent continuellement (autant ajouter directement un disque
dans ladite poupée répétant incessamment dans des tons harmonieusement aigus :
« maman, ya plus les chaussures – s’ont où les chaussures – maman veut
chaussures Barbie »). Grand Bébé a ainsi pu enfiler son costume de Superman
dans un délai raisonnable. Il le garda pendant trois jours, ne l’ôtant que pour
dormir sous l’insistance de son exécrable maman.
Comme vous aviez congé entre Noël et Nouvel An, vous
avez profité de ce temps pour vous cultiver et vous vous êtes lancée dans la
lecture de quelques modes d’emploi de certains jouets reçus par votre
progéniture. Vous n’avez pas été déçue, vous avez beaucoup appris, notamment
qu’il faut « ôter les piles rechargeables du jouet avant de les recharger ».
Cela vous semble assez bien pensé, ce qui vous intrigue néanmoins, c’est
comment on pourrait les recharger en les laissant dans le jouet ? Le monde de
la technologie vous nargue apparemment une fois encore, vous et votre pitoyable
ignorance. Lancée dans votre soif de savoir post noëllistique, vous êtes allée
jusqu’à lire aussi le mode d’emploi de votre aspirateur (non, ce n’était pas un
des cadeaux que vous avez reçus. Votre mari Le Père Noël sait très bien qu’on
ne vous offre pas ce genre de choses, sauf si elle est accompagnée d’un petit
mot « reposes toi ma chérie, dorénavant c’est moi qui aspirerais »), c’est
juste votre insatiable témérité culturelle qui vous a amenée à le parcourir.
Bien vous en a pris, vous avez ainsi découvert qu’il y avait des « utilisateurs
non autorisés » pour cet aspirateur (vite une petite prière pour que vous
apparaissiez dans la liste!) : « les personnes non familiarisées avec le mode
d’emploi » (dire que vous avez utilisé votre aspirateur dans une totale
illégalité jusqu’alors. Que fait la police ?), « les enfants, ainsi que les
personnes sous influence de l’alcool, de stupéfiants ou de médicaments ne
doivent pas utiliser cet aspirateur sans surveillance ». Vous avez regretté de
noter au passage que rien ne précise que la surveillance ne puisse pas être
effectuée par un chimpanzé ou le chien du voisin. Vous retenez néanmoins de
cette captivante lecture qu’il vous suffit de siroter quelques coupes de
champagne ou d’avaler une aspirine pour être exemptée de ce travail ménager.
Sublime ce cadeau de Noël de dernière minute!
* Ce sont généralement les garçons qui ont la chance de
voir leur voiture ou moto arrimés au socle de leur boîte -moto et voiture qui,
soit dit en passant, seront cassées en moins de temps qu’il ne vous faut, à
vous, pour ouvrir leur emballage
(texte extrait de mon ancien blog)
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